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Séminaire inter-laboratoires | L'espace littéraire de Berlin à Vladivostok - 8e édition

Evènement | 6 décembre 2024

© Vassily Kandinsky, Murnau train et château, 1909

Réunissant les chercheurs des universités lyonnaises, grenobloises et nancéiennes qui consacrent leurs travaux aux littératures d’Europe centrale et orientale, et de Russie, ce séminaire inter-laboratoires s’ouvre cette nouvelle année 2024-25 avec quatre rencontres qui auront lieu à la Bibliothèque Diderot de Lyon et à l'université Grenoble Alpes.

 

PROGRAMME

 
SÉANCE 1

SÉANCE 1 : FRANZ KAFKA, UN ÉCRIVAIN ALLEMAND
ENTRE TRADITION JUIVE ET MODERNITÉ PRAGOISE


Organisée par Myriam GEISER (Université Grenoble Alpes)


Vendredi 6 décembre de 14h à 17h
Université Grenoble Alpes
Campus Saint-Martin-d’Hères
Tour Irma, Salle de réunion 225, 2e étage
51 rue des Mathématiques

Assistez à la séance en ligne


 

Marie-Odile THIROUIN, maître de conférences honoraire en littérature comparée à l’Université Lumière Lyon 2 :

Was habe ich mit Juden gemeinsam ? » Franz Kafka, écrivain de la tradition juive interrompue.


L’essai de Philippe Zard sur les judaïsmes apocryphes (De Shylock à Cinoc, Classiques Garnier, 2017) éclaire d’un jour nouveau la vocation de Kafka à la grande littérature, dans la situation historique qui était la sienne – celle d’un écrivain juif issu de la bourgeoisie germanophone pragoise, dans un contexte bilingue et binational largement sécularisé. Ce contexte a disparu au fil des catastrophes du XXe siècle, vite remplacé par divers contextes imaginaires plaqués sur l’œuvre de Kafka par une critique parfois peu scrupuleuse. Outre le vide laissé par la disparition violente du monde juif des pays tchèques, le caractère fragmentaire de l’œuvre de Kafka a favorisé ce type d’interprétations hasardeuses.

Or depuis les années 1990, l’accès aux archives tchèques et la refonte éditoriale complète de l’œuvre de Kafka en ont profondément renouvelé l’approche critique, comme en témoigne l’ouvrage de Philippe Zard. Ce renouvellement ne consiste pas à expliquer l’œuvre par la biographie de l’auteur, ni à la réduire à sa dimension juive. Il permet, d’une part, de se débarrasser des contextes inventés et, d’autre part, de remettre à leur juste place les interrogations de Kafka quant à son identité juive brouillée, interrogations qui ont pris de l’ampleur avec le temps. Des exemples concrets, tirés des romans et nouvelles comme du Journal de Kafka, donneront une idée de la manière dont cet héritage juif morcelé informe discrètement l’œuvre de l’écrivain.
 

Myriam GEISER, maîtresse de conférences en études germaniques à l'Université Grenoble Alpes (ILCEA4) :

« Der Klang meines Deutsch » : l’écriture post-monolingue chez Franz Kafka


Franz Kafka grandit à Prague, ville appartenant jusqu’en 1918 à la Monarchie autrichienne des Habsbourg. En tant que juif germanophone, il parle le « Prager-Deutsch », l’allemand de Prague, c’est-à-dire un allemand aux contours perméables, sujet à des influences linguistiques diverses. Comme l’a montré Marek Nekula dans une étude minutieuse des « langues de Kafka » (Franz Kafkas Sprachen – « in einem Stockwerk des innern babylonischen Turms », 2003), les interférences perceptibles dans ses écrits relèvent autant du contexte plurilingue immédiat dans lequel l’auteur évolue que de ses propres stratégies poétiques et stylistiques (« Selbststilisierung »). Son rapport à la langue allemande (qu’il qualifie de ‘langue maternelle’) est complexe et doit être interrogée en lien avec son ethos d’écrivain juif. En atteste une réflexion sur « l’impossibilité d’écrire en allemand, l’impossibilité d’écrire autrement, l’impossibilité d’écrire, l’impossibilité de ne pas écrire », formulée dans une lettre à son ami Max Brod datant de 1921.

Pour Yasemin Yildiz (Beyond The Mother Tongue, 2012), ce dilemme est relié à une crise moderne plus généralisée du « paradigme du monolinguisme » (postulant l’idée d’une corrélation étroite entre origine, langue et identité). Selon elle, l’écriture littéraire de Franz Kafka – d’expression exclusivement germanophone – relève d’une « condition post-monolingue » basée sur la coexistence de plusieurs langues et l’abandon du concept de l’identité monolingue. Face aux multiples interrogations quant à son appartenance aux univers juif, tchèque, allemand, Kafka définit sa « germanité » propre (Maïa Hruska), et revendique par-là sa place légitime dans le monde littéraire allemand. Cette contribution souhaite mettre en lumière la façon dont cette conscience post-monolingue introduit une prise de distance et une réflexivité permanente dans le processus même d’écriture. La position décentrée de son œuvre fait de Kafka l’un des parrains d’une littérature germanophone transculturelle, comme l’affirme par exemple Narvid Kermani, né en 1967 en Allemagne de parents iraniens : « il n’y a pas de plus grande responsabilité pour moi que d’appartenir à la même littérature que le juif pragois Franz Kafka » (Zwischen Koran und Kafka : West-östliche Erkundungen, 2014).
 
SÉANCE 2

SÉANCE 2 : ŒUVRES THÉÂTRALES DE MARINA TSVETAEVA :
MYTHES EUROPÉENS ET QUESTIONS DE LA TRADUCTION

 
Organisée par Anna LUSHENKOVA-FOSCOLO (Université Jean Moulin)

Vendredi 24 janvier 2025 de 14h à 17h
Bibliothèque Diderot de Lyon
5 parvis René Descartes
69007 Lyon

 

Gayaneh Armaganian : Le Phénix ou La fin de Casanova : œuvre palimpseste ou Casanova était-il une femme ?


Dans son article « Tvetaeva : le cycle dramatique de Casanova » Hélène Henry apporte un éclairage précieux sur les deux pièces écrites par Marina Tsvetaeva en 1918-1919 à Moscou, Une Aventure (Prikliučenie) et Le Phénix (Feniks). Il s’agira de prolonger l’analyse d’Hélène Henry en s’appuyant sur les travaux d’autres chercheurs, comme Véronique Lossky, sur Les Carnets de Tsvetaeva, sur sa Correspondance avec Boris Pasternak pour tenter de comprendre ces textes palimpsestes dans lesquels « l’androgynie des personnages est manifeste » et où la multiplicité des hypostases interroge sur la notion d’Amour chez Tsvetaeva, car pour elle l’Amour est une notion. La figure de Casanova à laquelle s’identifie Tsvetaeva est-elle celle d’un Homo eroticus (pour reprendre le titre de l’ouvrage de Claude Elsen), ou bien d’une femme pour laquelle l’amour est une forme idéalisée de l’érotisme et de l’esprit, d’un désir fixé non pas sur une femme ou sur un homme, mais sur la femme ou sur l’homme. Le désir sans illusion d’un Homo eroticus guidé par « le démon de la lucidité », esclave néanmoins de l’instant, de la diversité et du semper infidelis.
 

Caroline Bérenger : Ariane ou l’immortel féminin de Marina Tsvetaeva. Réécriture d’un mythe


Ariane (Ариадна) est le premier volet d’une trilogie inachevée de Marina Tsvetaeva, intitulée La colère d’Aphrodite (Гнев Афродиты). La pièce de théâtre, conçue en 1923-1924 et publiée à Paris en 1927, est une réécriture du mythe antique et une actualisation de ses symboles. La présente étude analyse l’interprétation qu’en fait Tsvetaeva. Le centre de gravité se déplace de Thésée vers Ariane pour mettre en lumière un archétype de la femme. Les instincts archaïques du masculin et la force obscure du refoulé, incarnés par le Minotaure, sont domptés par la puissance de l’amour. Le labyrinthe est une construction architecturale très élaborée qui reflète la complexité de l’œuvre. La forme du long poème permet de déployer les ramifications de la légende, elle est étayée par une structure visuelle et une instrumentation sonore, dynamisées par la langue. Le fil d’Ariane pourrait être une métaphore de la culture dans l’espace russe et européen : signe de continuité et d’enchevêtrement, il évoque la libre circulation d’un imaginaire féminin et amoureux.
 

Florian Voutev : Rendre à la poésie traduite le rang d’une œuvre d’art. Traduire Ariane de Tsvetaeva


Faut-il traduire les vers en vers ? – telle est la question à laquelle sera consacrée la communication de Florian Voutev. Après une brève rétrospective sur les deux tendances opposées dans la traduction de textes versifiés, il prendra position dans cette polémique littéraire, en tant que traducteur de poésie russe. Il argumentera en insistant sur l’importance de la reconstitution des schémas métriques et rimiques de l’original. Ses considérations théoriques seront étayées d’exemples de sa traduction de la pièce de théâtre Ariane de Marina Tsvetaeva, publiée par Vibration Éditions en 2024.
SÉANCE 3

SÉANCE 3 : PASSEUSES DE MÉMOIRES : LITTÉRATURES ET MÉMOIRES
(POST-)COMMUNISTES DES FEMMES DANS LES BALKANS


Organisée par Sonja GRAIMPREY (BDL)

Jeudi 21 février 2025 | 14h-17h
Bibliothèque Diderot de Lyon
5 parvis René Descartes
69007 Lyon


 

Andjela Radonjic, doctorante en études slaves

(Dé)confiscation de mémoire ? Les écrits de femmes des camps communistes en Yougoslavie

La conférence se propose d’étudier les témoignages littéraires des femmes ayant été détenues dans les camps communistes en Yougoslavie. En examinant l’étiologie, les mécanismes et les étapes de la confiscation de la mémoire carcérale des femmes yougoslaves, nous analyserons comment l’écriture s’est transformée en un moyen de récupérer cette mémoire, et comment les textes sont devenus des lieux privilégiés de sa préservation. Pour mieux appréhender ce paysage littéraire ambigu, nous soulèverons la question de l’impact de la censure et de l’autocensure dans le processus de l’étouffement des voix des femmes. En outre, dans ce contexte spécifique, l’écriture ne se limite pas à être une réponse à la carence de la trace écrite, mais elle représente également un impératif face à l’absence totale de traces matérielles des camps féminins. Ainsi, en plus de les qualifier de « passeuses de mémoire », nous accorderons à ces femmes le statut de « déconfiscatrices ».
 

Lola Sinoimeri, doctorante en littérature comparée

Pour une approche féministe de la (post)mémoire. Grand-mères et petites-filles dans les œuvres d’Anilda Ibrahimi, Marica Bodrožić et Melinda Nadj Abonji

Dans son ouvrage, The Generation of Postmemory, Marianne Hirsch (Marianne Hirsch, The Generation of Postmemory: Writing and Visual Vulture After the Holocaust, New York, Columbia University Press, 2012, p. 98) invite à penser la postmémoire « en féministe » : pour ce faire, elle invite à considérer avec plus d’attention la place de la fille (au sens de daughter) dans les modalités de fabrication et de transmission de la mémoire familiale. Dans cette communication, je propose de mettre au travail la proposition de Hirsch en analysant les relations entre grand-mères et petites-filles dans les œuvres de trois autrices contemporaines des migrations balkaniques : Anilda Ibrahimi, Melinda Nadj Abonji et Marica Bodrožić. Je m’intéresserai particulièrement aux modalités de transmission mémorielle que les grand-mères incarnent, et dont les autrices se font le relais par et dans l’écriture. Je me pencherai d’abord sur le travail de mise en récit des traumatismes familiaux et collectifs, que j’analyserai à la lumière des théories féministes du care ; puis je m’intéresserai aux liens qui se tissent entre les mort-es et les vivant-es à travers une analyse de la figure traditionnelle de la pleureuse ainsi qu’aux transformations littéraires dont elle est l’objet.

SÉANCE 4

SÉANCE 4 : AVANT-GARDES ET GENRE EN EUROPE CENTRALE
À TRAVERS LE XXe SIÈCLE


Organisée par Sibylle GOEPPER (Université Jean Moulin)
et Hélène MARTINELLI (ENS Lyon)

Vendredi 4 avril 2025
Bibliothèque Diderot de Lyon
5 parvis René Descartes
69007 Lyon

Avec Lena Magnone

 


 

INFOS PRATIQUES

Lieu(x)

Hors campus, Campus des Quais


VEN 6 DÉC | 14h-17h
Université Grenoble Alpes
Campus Saint-Martin-d’Hères
Tour Irma, Salle de réunion 225, 2e étage
51 rue des Mathématiques

Assistez à la séance en ligne

VEN 24 JANV | 14h-17h
VEN 21 FÉV | 14h-17h
VEN 4 AVRIL | 14h-17h

Bibliothèque Diderot de Lyon
5 parvis René Descartes
69007 Lyon

Entrée libre & gratuite

Contact

Sonja Graimprey

sonja.graimprey@ens-lyon.fr

Type

Colloque / Séminaire

Thématique

Manifestations scientifiques, Culture, Langues littératures et civilisations étrangères, Lettres, Recherche

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