PROGRAMME
SÉANCE 1 : Journaux de l'extrême
Cette séance, animée par
Hélène Martinelli (ENS de Lyon, IHRIM), sera aussi l’opportunité de présenter des publications des
éditions EUR’ORBEM notamment celui d'
Anna Lushenkova-Foscolo,
Plurilinguisme et autotraduction, 2019.
Intervention de Mateusz Chmurski (UMR 8224 – Sorbonne Université / CNRS) : Face (ou dos) à la guerre ? Journaux personnels centre-européens entre faits historiques et faits (auto)biographiques : exemples choisis
« 2 août 1914 : l’Allemagne vient de déclarer la guerre à la Russie. Après-midi, piscine ». Citations parmi les plus connues des journaux de Franz Kafka, cette phrase devenue presque culte incite à réfléchir cependant sur les stratégies d’écriture de soi face à la guerre dans une région que distingue, selon une autre formulation célèbre, la particularité d’être définie par le commencement des deux guerres mondiales : de Sarajevo à Danzig/Gdańsk, aux dires du sociologue juif-hongrois István Bibó.
À l’occasion de l’édition complète des journaux de Kafka qui paraît enfin dans la traduction intégrale française de Robert Kahn (Caen, Nous, 2020), nous nous proposons de revenir sur diverses stratégies scripturales face à l’Histoire, face à soi dans les conditions extrêmes des deux Guerres mondiales : celle de Kafka, mais aussi, par contraste et contrepoint, celles de ses contemporains : son voisin pragois, le poète-philosophe Ladislav Klíma (1878-1928) ; le médecin, psychiatre, critique musical et prosateur hongrois Géza Csáth (1885-1919) et enfin l’écrivain polonais Karol Irzykowski (1873-1944).
SÉANCE 2 : L'œuvre d'Ivan Bounine en France
Cette séance est organisée par
Anna Lushenkova Foscolo. Ivan Bounine (1870-1953), poète et écrivain qui a passé en France les trente dernières années de son existence, est chef de file de la première vague de l’émigration russe et auteur emblématique de sa génération. Ce séminaire sera l’occasion de réfléchir aux différentes formes de la circulation et de la transmission de l’œuvre d’Ivan Bounine aujourd’hui, dans une séance qui réunit slavistes et traductrices : autour d’Anna Lushenkova Foscolo, Tatiana Victoroff, Anne-Marie Tatsis-Botton, et Tatiana Dvinyatina.
En préambule aux interventions des unes et des autres, Anne Maître, responsable des fonds slaves de la Bibliothèque Diderot de Lyon (BDL), propose « d’incarner » cette transmission d’hier à aujourd’hui, à travers une promenade en images dans l’univers éditorial qui s’est construit autour de l’œuvre de Bounine, et qui se laisse découvrir aujourd’hui dans les collections BDL. De ce gisement documentaire dont l’histoire se confond largement avec celle de la Russie hors-frontières, deux viviers seront mis à l’honneur - l’ancienne Bibliothèque slave de Meudon devenue le fonds slave des jésuites et la bibliothèque de la chaire russe de l’institut catholique de Lille, le fonds Georges Maklakoff.
La dernière partie du séminaire se déroulera sous forme de table ronde, consacrée à la présentation du volume des œuvres d’Ivan Bounine, Vivre pleinement, publié en 2020 chez YMCA-Press, dans le cadre du projet La Bibliothèque russe.
Avec les interventions de :
- Anne Maître (BDL) : « Traces russo-françaises d’Ivan Bounine à la BDL »
- Tatiana Victoroff (Université de Strasbourg / YMCA-PRESS) : « Publier Ivan Bounine en France aujourd’hui. »
- Anna Lushenkova Foscolo (Université Lyon 3, équipe MARGE) : « Le rêve lointain de l’enfance : Ivan Bounine en dialogue avec Anton Tchekhov. »
- Anne-Marie Tatsis-Botton (traductrice littéraire) : « La Russie profonde et l’Occident familier : traduire les paysages intérieurs de Bounine. »
- Tatiana Dvinyatina (Institut de littérature russe Maison Pouchkine / Institut de littérature mondiale Gorki) : « La poésie comme élément originel de l’œuvre d’Ivan Bounine. »
- Table ronde animée par Galina Subbotina (Université de Poitiers, MIMMOC / membre asscoiée du CREE, INALCO), avec la participation de Tatiana Victoroff, Anna Lushenkova Foscolo, Anne-Marie Tatsis-Botton et Tatiana Dvinyatina.
SÉANCE 3 : Métissage et interculturalité dans les espaces littéraires contemporains
Isabelle Desprès (CESC-ILCEA4, Université Grenoble-Alpes) : Métissage et interculturalité dans la littérature russe contemporaine
L’Union soviétique se pensait comme un espace multiculturel, une union de peuples ayant dépassé leurs particularismes (langue, religion) au nom d’un espace interculturel commun. En Russie post-soviétique, comme dans les anciennes républiques (Daghestan, Tadjikistan), les traditions et les modes de vie qu’on aurait pu croire oubliés, sont revenus en force, se mêlant à une postmodernité venue de l’Occident, sur fond de criminalité généralisée. Cette situation est décrite par une nouvelle génération littéraire, ayant hérité d’une double culture, traditionnelle et soviétique (Alissa Ganieva, Salam, Dalgat !, 2009 ; Gouzel Iakhina, Zouleikha ouvre les yeux, 2015 ; Vladimir Medvedev, Zahâk, le roi-serpent, 2017).
Ce processus de double culture n’est pas nouveau, et on pourrait presque dire que la littérature russe est née d’un « métissage » de la culture slave (traditionnelle, populaire, orale) et des littératures européennes (français, allemande, anglaise). Pour de nombreux écrivains, l’Europe incarne encore la culture (Mikhail Chichkine, Dans les pas de Byron et Tolstoï, 2002 ; Le cheveu de Vénus, 2005).
Mais aujourd’hui en Europe se forme un nouvel espace interculturel, celui des camps de migrants, où vivent ensemble, tant bien que mal, dans un étrange melting pot, des réfugiés de tous les pays et continents, de l’Inde au Sénégal, de l’Afghanistan à l’Estonie. Cet archipel a ses propres codes culturels, sa propre langue, ses propres valeurs (Andreï Ivanov, Le voyage de Hanumân, 2010).
Myriam Geiser (CERAAC-ILCEA4, Université Grenoble Alpes) : Esthétiques du métissage : écritures contemporaines transculturelles dans l’espace germanophone
Quand l’écrivaine Emine Sevgi Özdamar reçoit en 1991 le Prix Ingeborg-Bachmann pour un extrait de son premier roman La vie est un caravansérail (1992), elle est la première lauréate d’origine non-germanophone dans l’histoire de cette prestigieuse distinction littéraire fondée en 1976 à Klagenfurt en Autriche. La consécration d’une autrice d’origine turque ayant appris la langue allemande à l’âge adulte, fait sensation dans le monde littéraire germanophone. Trente ans plus tard, les écritures dites « migrantes » d’écrivaines et écrivains ayant des biographies très diverses (originaires de l’Italie, de la Bosnie, de la Hongrie, de la Géorgie, de la Syrie, de l’Irak, du Japon, de l’Argentine…) font partie intégrante de la littérature allemande contemporaine.
Ma contribution se propose d’explorer quelques éléments d’une poétique « transculturelle » qui a émergé dans un contexte de globalisation croissante. Les expériences de plurilinguisme et de croisement de cultures sont propices au développement de stratégies esthétiques que l’on peut étudier en tant qu’expressions d’un métissage culturel.