• Lettres,
  • Recherche,

Une esthétique du flou : les approches de la vérité dans Manon Lescaut

Fabienne BOISSIERAS, 1998

Thèse dirigée par Anne Sancier-Château

Partant de l'ambigüité d'interprétation que la critique unanime reconnait au roman de Prévost, Manon Lescaut, nous avons orienté précisément la recherche sur les principales caractéristiques d'écriture capables de servir la stratégie argumentative du discours et que nous avons considérées comme emblématiques d'une esthétique de flou. En effet, la valeur de plaidoyer pro domo du récit rétrospectif conduit nécessairement à examiner avec quel art et artifice le narrateur/auteur parvient à diluer une responsabilité qui au regard des fautes commises devrait apparaitre sans appel. Ce sont donc sur les faits de langue les plus récurrents et parfois les plus ténus, griffe d'un auteur conscient du pouvoir des mots, que les investigations ont été menées. L'examen des variantes des diverses éditions ainsi que l'index du vocabulaire à notre disposition ont permis de confirmer ce qu'une lecture cursive pouvait laisser supposer. Les analyses ont été conduites principalement à la lumière des théories d'inspiration guillaumienne dont l'intérêt essentiel est de remonter aux fondements mêmes de la pensée et de donner du sens aux variations les plus infimes de la langue, aux moindres options de l'auteur. Cette micro-lecture à laquelle a été soumis le texte de Prévost a donc pour ambition première de débusquer à travers les dédales de la syntaxe et d'une façon générale à travers le déploiement remarquable de certains outils linguistiques les marques d'hésitations sur lesquelles repose l'efficacité du discours. In fine, il s'agit de lever quelque peu le voile sur le mystère d'une langue dont on a cessé, à travers les siècles, de louer l'ingéniosité.

____________________
Disponible en bibliothèque