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Séminaire doctoral | Pouvoir et écriture de l’histoire dans la littérature féminine (XIXe-XXIe siècle)

Evènement | 6 décembre 2016
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« Quel bizarre caprice vous pousse aux luttes parlementaires, vous qui ne pouvez pas seulement y apporter l'exercice de votre indépendance personnelle ? Quoi, votre mari siégera sur ce banc, votre amant peut-être sur cet autre, et vous prétendrez représenter quelque chose, quand vous n'êtes pas seulement la représentation de vous-mêmes ? » Lorsqu’elle s’adresse aux femmes de 1848 qui revendiquent leurs droits politiques, George Sand pointe la contradiction constitutive de leur situation vis-à-vis du pouvoir : socialement dépendantes, privées des moyens d’incarner le discours émancipateur qu’elles formulent, elles ne sauraient devenir les sujets autonomes d’une parole politique. La réflexion de Sand pose un double problème. Elle dénonce d’abord l’inachèvement d’une construction sociale et identitaire susceptible d’offrir aux femmes la possibilité d’un agir historique. Cette construction engage des processus complexes, notamment l’articulation entre une constellation de figures féminines singulières (par exemple celle de George Sand elle-même) dont le surgissement altère l’ordre des représentations traditionnelles et la mise en œuvre collective de la promesse d’émancipation que ces figures représentent. Mais, au-delà de cette première difficulté, l’autre problème est celui de la reconnaissance institutionnelle d’une capacité d’action des femmes au sein de l’espace du pouvoir. Il renvoie au droit et à la représentation citoyenne, c’est-à-dire aux modalités d’insertion et de légitimation d’un discours du féminin au sein de la sphère publique, discours purement formel s’il ne s’articule pas à un processus de subjectivation par lequel les femmes deviennent sujets de leur histoire - ce que Sand appelle « se représenter soi-même ». 

C’est cette articulation délicate entre la représentation de soi et la représentation politique, entre deux formes de rapport au pouvoir et à l’Histoire, que le séminaire se propose d’étudier. Dans la lignée des travaux de Michel Foucault, les historiens se sont beaucoup intéressés aux formes de résistance et d’affirmation dont témoigne la prise de parole féminine, selon une optique que résume Michèle Riot-Sarcey : « Le pouvoir de dire je est aussi une lutte contre les formes d’assujettissement – contre la soumission de la subjectivité – dont les femmes sont particulièrement victimes ». La littérature fut l’un des lieux de cette lutte, et c’est au cœur de l’exploration du « je » – qu’il soit mis en scène dans la fiction, l’autobiographie ou à leur croisement – qu’a pu se dire la confrontation des femmes au pouvoir et aux modes d’objectivation qu’il impose. La littérature féminine s’est ainsi inscrite dans le registre de la « littérature mineure », au sens deleuzien du terme, dans laquelle « chaque affaire individuelle est immédiatement branchée sur la politique ». Mais qu’advient-il alors de la scène historique traditionnelle, celle des événements collectifs, de la parole publique, de la mémoire commune et des vies majuscules, celle dont les femmes ont été radicalement exclues au XIXe siècle ? Comment, depuis cette exclusion jusqu’à l’époque contemporaine, cette scène a-t-elle été représentée ou reconfigurée par les auteures, alors même que tout au long de cette période la question de l’articulation d’une expression féminine singulière et de sa signification collective n’a cessé de se poser et de leur être posée ?  De même, comment ont-elles pensé l’intégration de la parole féminine – avec toutes les ambiguïtés qu’une telle catégorie comporte – dans la sphère publique ?

Ces questions peuvent être traitées selon plusieurs perspectives, par exemple :

  • L’étude des écrits autobiographiques féminins, notamment du rapport qu’ils instaurent entre le sujet et l’Histoire, et des liens qu’ils peuvent entretenir avec le genre des Mémoires.
  • La mise en scène, dans les textes fictionnels, de l’Histoire et du rôle qu’y jouent, ou qu’y ont joué, les femmes.
  • Les modalités d’introduction, par les auteures, de leur parole sur la scène publique, notamment dans leurs écrits politiques ou polémiques.
  • Le rapport qu’entretiennent les auteures avec une autre forme d’histoire collective et de discours d’autorité qui a en partie exclu les femmes : l’histoire littéraire.

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Lieu(x)

Campus des Quais


 

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Contact

Frédérique Lozanorios

frederique.lozanorios@univ-lyon3.fr

Type

Colloque / Séminaire

Thématique

Manifestations scientifiques, Culture, Sciences sociales, Lettres, Recherche