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Journée d'études | Savoirs et pouvoirs à l'épreuve de l'épistémocritique
Evènement | 12 avril 2021
De 8h30 à 18h
À la croisée des approches, l’épistémocritique se propose de reconnaître la porosité des frontières, des champs disciplinaires institués par une certaine tradition scientifique, des enjeux de légitimation supposés séparer le « dur » du « mou », l’« exact » de l’« inexact ». Il ne s’agit pas seulement de comprendre comment la littérature parle de la science mais bien d’envisager leurs relations comme un véritable dialogue entre connivences et résistances : sur le fond d’un apparat rhétorique commun, tantôt revendiqué, tantôt désavoué, il s’agit d’en étudier les fissures génériques, les emprunts, les stratégies de différenciation ou de rapprochement. Alors que les disciplines se spécialisent et se fragmentent, l’épistémocritique permet un geste de décloisonnement mais aussi de réévaluation de nos présupposés scientifiques en rappelant la plasticité, à travers l’histoire, des catégories et des définitions assignées tour à tour à la science et à la littérature.
Cette originalité et cette richesse critique ont motivé de nombreuses initiatives récentes. Par exemple, dans le domaine de la biologie, L’ANR « Biolographe », coordonnée par Gisèle Séginger et Thomas Klinkert, le programme « temps biologique, temps historique » (2013, 2014), également coordonné par Gisèle Séginger pour sa partie française, ou encore L’ANR HC19, Histoire croisée au XIXe siècle, coordonnée par Anne-Gaelle Weber et Euterpe, qui a abouti en 2013 à la compilation de l’anthologie critique Muses et Ptérodactyles. La poésie de la science de Chénier à Rimbaud (dirigée par Hugues Marchal). En outre, la revue Romantisme consacre régulièrement au sujet certains de ces numéros, comme ceux dirigés par Gisèle Séginger, « Le vivant » (n°154, 2011) et l’« L’Épistémocritique » (n°183, 2019). Enfin, des productions récentes prouvent le rayonnement des préoccupations épistémocritiques au-delà des murs de l’université, comme celles de la revue Alliage (et son existence même). À partir de ces références, il s’agit d’éclairer une perspective jusqu’ici peu explorée.
Tout d’abord, l’étude croisée de la littérature et des sciences semble s’épanouir dans le dix-neuvième siècle : l’avènement du positivisme et le souci démocratique de vulgarisation qui coïncide avec lui, encouragé par la diffusion de l’imprimé, l’extension du journalisme et sa professionnalisation, sont des raisons évidentes, parmi d’autres, de cet ancrage dix-neuviémiste. Par ailleurs, c’est précisément à l’épreuve de l’épistémocritique qu’on peut questionner, dans un XIXe siècle « politique » par excellence, la neutralité de la science et mettre ainsi en lumière ses affiliations idéologiques.
Si, au XIXe siècle, le dialogue savant et littéraire élabore les présupposés idéologiques de la modernité, nous sommes néanmoins persuadés que les outils de l’épistémocritique pour l’étude des rapports entre science, littérature et idéologie peuvent être opérants pour d’autres siècles. Le récent volume dirigé par Patrick Marot, L’inscription littéraire des savoirs, en témoigne. De fait, une approche transéculaire, inspirée des études foucaldiennes d’une épistémè de longue durée et de la circulation des « formations discursives » au fil du temps, mérite également, à nos yeux, d’être approfondie. Par exemple, une étude de la circulation des théories biologiques pourrait mettre en lumière les fondations du discours racialiste et donner des clés de compréhension pour lire notre histoire coloniale ou bien donner à penser les prémices d’un libéralisme économique qui détourne à son profit le concept de struggle for life.
Il s’agit alors de mettre l'épistémocritique au service de la compréhension des faits socio-politiques et de l’analyse des idéologies au cours de l’histoire, ce qui, jusqu’ici, a rarement été questionné par cette approche. Penser la science, à travers l’épistémocritique, signifie ainsi penser l’idéologie qui la soutient et qu’elle soutient, en explorant leurs rapports de (dé)légitimation réciproques. Si la science se réfère à une idéologie en constituant activement la perception de l’ordre social et sa légitimation, l’idéologie affecte en retour des présupposés épistémologiques essentiels, en fabriquant les motifs rhétoriques et les effets de sens du discours scientifique. En somme, il s’agit d’étudier la science et la littérature au miroir de l’idéologie : la circulation entre les « deux cultures » doit ainsi être historicisée, en éclairant les conditions de production et de promotion de cet échange, forgé dans et par l’histoire des rapports des pouvoirs et des hiérarchies symboliques.
Cette originalité et cette richesse critique ont motivé de nombreuses initiatives récentes. Par exemple, dans le domaine de la biologie, L’ANR « Biolographe », coordonnée par Gisèle Séginger et Thomas Klinkert, le programme « temps biologique, temps historique » (2013, 2014), également coordonné par Gisèle Séginger pour sa partie française, ou encore L’ANR HC19, Histoire croisée au XIXe siècle, coordonnée par Anne-Gaelle Weber et Euterpe, qui a abouti en 2013 à la compilation de l’anthologie critique Muses et Ptérodactyles. La poésie de la science de Chénier à Rimbaud (dirigée par Hugues Marchal). En outre, la revue Romantisme consacre régulièrement au sujet certains de ces numéros, comme ceux dirigés par Gisèle Séginger, « Le vivant » (n°154, 2011) et l’« L’Épistémocritique » (n°183, 2019). Enfin, des productions récentes prouvent le rayonnement des préoccupations épistémocritiques au-delà des murs de l’université, comme celles de la revue Alliage (et son existence même). À partir de ces références, il s’agit d’éclairer une perspective jusqu’ici peu explorée.
Tout d’abord, l’étude croisée de la littérature et des sciences semble s’épanouir dans le dix-neuvième siècle : l’avènement du positivisme et le souci démocratique de vulgarisation qui coïncide avec lui, encouragé par la diffusion de l’imprimé, l’extension du journalisme et sa professionnalisation, sont des raisons évidentes, parmi d’autres, de cet ancrage dix-neuviémiste. Par ailleurs, c’est précisément à l’épreuve de l’épistémocritique qu’on peut questionner, dans un XIXe siècle « politique » par excellence, la neutralité de la science et mettre ainsi en lumière ses affiliations idéologiques.
Si, au XIXe siècle, le dialogue savant et littéraire élabore les présupposés idéologiques de la modernité, nous sommes néanmoins persuadés que les outils de l’épistémocritique pour l’étude des rapports entre science, littérature et idéologie peuvent être opérants pour d’autres siècles. Le récent volume dirigé par Patrick Marot, L’inscription littéraire des savoirs, en témoigne. De fait, une approche transéculaire, inspirée des études foucaldiennes d’une épistémè de longue durée et de la circulation des « formations discursives » au fil du temps, mérite également, à nos yeux, d’être approfondie. Par exemple, une étude de la circulation des théories biologiques pourrait mettre en lumière les fondations du discours racialiste et donner des clés de compréhension pour lire notre histoire coloniale ou bien donner à penser les prémices d’un libéralisme économique qui détourne à son profit le concept de struggle for life.
Il s’agit alors de mettre l'épistémocritique au service de la compréhension des faits socio-politiques et de l’analyse des idéologies au cours de l’histoire, ce qui, jusqu’ici, a rarement été questionné par cette approche. Penser la science, à travers l’épistémocritique, signifie ainsi penser l’idéologie qui la soutient et qu’elle soutient, en explorant leurs rapports de (dé)légitimation réciproques. Si la science se réfère à une idéologie en constituant activement la perception de l’ordre social et sa légitimation, l’idéologie affecte en retour des présupposés épistémologiques essentiels, en fabriquant les motifs rhétoriques et les effets de sens du discours scientifique. En somme, il s’agit d’étudier la science et la littérature au miroir de l’idéologie : la circulation entre les « deux cultures » doit ainsi être historicisée, en éclairant les conditions de production et de promotion de cet échange, forgé dans et par l’histoire des rapports des pouvoirs et des hiérarchies symboliques.
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Contact
Frédérique Lozanorios
frederique.lozanorios@univ-lyon3.fr
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Comité d'organisation
Emmanuel Boldrini (IHRIM, Lyon 2),
Valeria Tettamanti (DESE, Bologna/CELIS, UCA)
Laure-Hélène Tron-Ymonet (MARGE, Lyon 3)
Valeria Tettamanti (DESE, Bologna/CELIS, UCA)
Laure-Hélène Tron-Ymonet (MARGE, Lyon 3)
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