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Colloque | Joseph Joubert Lecteur
Le 14 octobre : 9h30 à 16h
Joseph Joubert écrit ses Carnets de 1774 (à cette date, Joubert écrit sur des feuilles volantes, avant d’adopter le support du carnet en 1786) à 1824, date de sa mort à Paris. Il laisse également une riche correspondance témoignant de la qualité des liens intellectuels qui l’unissaient à quelques figures du XIXe siècle naissant (notamment Chateaubriand, Mathieu Molé, Pauline de Beaumont, Louis de Fontanes). Il est l’auteur enfin de quelques textes épars que Rémy Tessonneau a publiés en 1983 sous l’appellation d’Essais. L’ensemble de cette production dessine les traits d’un écrivain aux ressources multiples, en prise avec son époque et portant un regard perspicace sur la littérature contemporaine et passée.
En conséquence, ce colloque transdisciplinaire souhaite aborder l’œuvre de Joubert par le prisme des dialogues qu’il a entretenus avec d’autres écrivains ou artistes (ou éventuellement figures politiques). Son œuvre étant nourrie de nombreuses lectures et des liens directs qu’il entretenait, par l’amitié et la conversation, avec ses contemporains, nous interrogerons le discours explicite ou implicite qu’il produit sur différents auteurs au fil de ses écrits, et les effets d’influence qui nourrissent sa poétique (comprise comme pensée et écriture).
Notes de lecture, citations, allusions, et même pastiches platoniciens, toutes les polarités de l’intertextualité semblent convoquées dans cette œuvre qui laisse une large place à la voix des autres. Ces « autres » sont tout à la fois les écrivains de l’Antiquité et ceux du temps de Joubert. Les auteurs rares et méconnus (presque les anonymes) et les grands noms de l’histoire littéraire. Les historiens, les romanciers, les journalistes, les philosophes… La polyphonie joubertienne est en effet résolument hospitalière. Joubert a même été fugacement critique d’art pour un journal en 1789, et l’on retrouve parfois, dans ses Carnets, le ton personnel d’un critique littéraire délicat, qui prend le contre-pied de la critique analytique. Son mot sur Condillac pourrait à ce titre être placé en épigraphe de son œuvre : « Je méprise cet homme par synthèse ; ne me questionnez donc pas par analyse. » (C, II, p. 572)
L’art de la note, lié à l’écriture fragmentaire pratiquée par Joubert, englobe donc aussi la note de lecture, qui fait pendant à la note personnelle. Le tissu textuel polyphonique ainsi créé devient en réalité progressivement homogène par l’appropriation des idées produites par autrui. Leur différence de nature s’estompe jusqu’à ne former qu’une seule et même substance dans le processus de la création. « Pour bien entendre une belle et grande pensée, il faut peut-être autant de temps que pour l’avoir, la concevoir. S’en pénétrer ou la produire sont presque une même action. » (C, I, p. 443)
On comprend alors à quel point l’intertextualité, liée pour Joubert à la difficulté d’écrire, est un angle qui permet de penser sa poétique. Comme écrire alors que « toutes les places sont prises (Homère en Grèce, Confutzée à la Chine) » de sorte que « tout ce qui devait être dit a déjà été dit » (C, I, p. 633) ? Fragment et intertextualité demandent alors à être interrogés dans leurs implications réciproques.
La cosmologie de Joubert, fondée sur les espaces interstitiels, les « avant-corps » qui se situent entre chaque chose et les font jouer entre elles, fait écho à sa conception de la lecture, qui intègre, elle aussi, la notion de « vacance » et d’espace vide puisqu’en littérature comme en amitié, « il faut toujours avoir dans sa tête un coin ouvert et libre pour y donner une place aux opinions de nos amis. » (C, II, p. 380)
D’autre part, les évolutions de sa pensée politique et religieuse suivent fidèlement son parcours de lecteur : les mutations de points de vue sur les philosophes des Lumières ou sur Mme de Staël et, plus généralement, les évolutions de ses choix de lecture retracent aussi l’histoire de la pensée de Joubert.
La visée du colloque est donc double : il s’agira de saisir Joseph Joubert de manière transversale en explorant ses jugements de lecteur et les relations qu’il tisse avec chaque penseur ou artiste qui suscite son attention. Mais réciproquement, les figures ainsi convoquées, dont certaines ont semble-t-il été explorées de fond en comble par des siècles de lectures critiques, gagneront à être éclairées sous un autre jour. En effet, la forme incisive et inachevée des notes, contrairement à l’analyse critique traditionnelle, souffre par nature les nuances, les évolutions du jugement, les repentirs, voire les contradictions.
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INFOS PRATIQUES
Campus des Quais, Hors campus
Le 13 octobre 2015
Bibliothèque municipale de la Part Dieu
30 bld Vivier Merle
69003 LYON
Le 14 octobre 2015
Salle caillemer
Université Lyon 3
15, quai Claude bernard
69007 LYON
Frédérique Lozanorios
frederique.lozanorios@univ-lyon3.fr
Colloque / Séminaire
ThématiqueManifestations scientifiques, Culture, Lettres, Recherche
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Sabrina GIAI-DUGANERA (Lyon 3)
Publication associée
Thèse de Sabrina GIAI-DUGANERA ; sous la direction de Jérôme Thélot