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Appel à contributions | Processus de légitimation et séries télévisées : susciter l’attention au-delà des publics

Evènement | 2 juillet 2021


Présentation

Dans son ouvrage de référence, Les séries télévisées, l’avenir du cinéma (2010), Jean-Pierre Esquenazi interroge le statut en devenir des séries télévisées qui, en l’espace d’une dizaine d’années, ont acquis le statut de phénomène culturel et artistique de société autant que médiatique. Considérées de plus en plus favorablement par les commentateurs médiatiques, y compris parmi les médias dits sérieux ou élitistes, elles sont également devenues un objet d’étude à part entière pour la recherche académique qui lui consacre régulièrement des colloques, des ouvrages et des collections dédiées ainsi que des numéros thématiques de revues.

Depuis la diffusion sur la chaîne câblée américaine HBO de séries télévisées dites de qualité (Akass & McCabe, 2007) telles Les Soprano, Oz, Six Feet Under ou The Wire, le regard sur les séries télévisées a changé de nature. En se définissant elle-même comme n’étant pas de la télévision dans le milieu des années 1990, HBO exprimait une critique franche envers les programmes des chaînes classiques et s’adossait à la méfiance entretenue par la presse critique vis-à-vis de la télévision (Anderson, 2008). Son slogan le plus provocateur It’s not TV. It’s HBO (1997-2006) optait pour un positionnement stratégique opposant implicitement culture populaire et culture légitime.

La première serait le fait des networks américains condamnés à produire des programmes de piètre qualité issus de la production industrielle pour un public de masse ; la seconde serait le fait d’une chaîne avant-gardiste, capable de produire des programmes audacieux, d’offrir une liberté d’écriture à des créateurs reconnus comme David Chase (Sopranos), Tom Fontana (Oz), David Simon (Treme) ou Alan Ball (True Blood), pour un public aux circonstances économiques favorables et disposant du cultural capital suffisant pour les apprécier (Akass & McCabe, ibid.). En d’autres termes, en participant de la légitimation des séries télévisées, HBO tentait – avec succès – de conquérir un public soucieux de la bonne tenue de ses consommations culturelles et… disposant d’un important pouvoir d’achat.

Érigée par nombre de chercheurs au rang d’œuvre d’art, la légitimité des séries télévisées au sein de la culture populaire semble maintenant un fait acquis. Et c’est précisément pour cette raison qu’il semble nécessaire d’interroger plus en amont les processus qui ont abouti à cette légitimation d’un objet médiatique initialement pensé pour les catégories de publics les plus populaires. Le présent numéro entend accueillir des contributions de chercheurs préoccupés par la question des facteurs artistiques, académiques, sociaux, économiques qui concourent à ce qu’une forme esthétique, médiatique, artistique en arrive à susciter l’intérêt certes des publics dits cultivés, disposant des compétences culturelles suffisantes pour adopter une disposition esthétique (Bourdieu, 1979) envers les séries télévisées, mais aussi celui des industriels, des institutions savantes et culturelles.

Au-delà d’une approche qui se voudrait strictement culturaliste, les processus de légitimation des séries télévisées seront envisagés comme de puissants révélateurs de stratégies professionnelles, économiques voire académiques des acteurs qui s’emparent de ce type de texte médiatique. S’il convient effectivement d’interroger les « mutations des légitimités » (Besson & al., 2019), ce numéro entend également mettre au jour les logiques sociales ainsi que les rapports de pouvoir et de production qui les traversent.

Au croisement d’enjeux socioéconomiques (intérêt croissant des acteurs et nouveaux acteurs industriels pour ce type de production), sociotechniques (innovations technologiques de diffusion/consommation) socioculturels (légitimation/consécration du genre sériel et des pratiques culturelles s’y rapportant) et académiques (progressive constitution des séries télévisées en tant qu’objet de recherche légitime), nous souhaitons dans ce numéro problématiser le processus de légitimation même par le prisme de l’analyse des formes sérielles envisagées dans leur multidimentionnalité.

Sans que le présent appel ne s’y limite, les propositions pourront notamment s’inscrire dans l’une ou l’autre des thématiques suivantes, voire les aborder de manière transversale :

  • Légitimités sérielles : constructions et variations. Quel regard critique peuton porter sur la construction du champ sériel et son institutionnalisation? Quels sont les processus de légitimation des œuvres sérielles à l’œuvre depuis l’avènement de la « Quality TV » jusqu’à aujourd’hui ? Comment appréhender ces formes de construction de la légitimité dans leurs variations historiques, contextuelles ? Quel rôle l’évolution des formes d’écritures et des nouveaux formats sériels ontils joué dans l’entreprise visant à leur conférer une légitimité artistique équivalente à celle des productions cinématographiques ?
  • Fragmentation et hybridation des instances légitimantes. Si la légitimité culturelle des séries télévisées semble se détacher de sa légitimité sociale (Glevarec, 2013), quelles sont aujourd’hui les nouvelles instances de légitimation des œuvres sérielles ? Alors que les frontières entre pratiques culturelles savantes et populaires tendent à se confondre, peuton observer une transformation, une fragmentation, une hybridation de ces instances ? Si les nouvelles instances de légitimation médiatiques et contre-sous-culturelles induites par formes mass-médiatiques s’inscrivent dans un tournant culturel plus large touchant l’ensemble des biens culturels, quelles seraient les spécificités à l’œuvre dans le domaine des séries télévisées populaires ou moins populaires ?
  • Interroger les enjeux de légitimation : publics, acteurs, marché. Qui sont aujourd’hui les créateurs de valeur – mais aussi de dévalorisation des séries télévisées ? Quel rôle les nouvelles pratiques de consommations sérielles, plus diversifiées, faisant l’objet d’appropriations et de braconnage, peuvent-elles jouer dans l’attribution de ces légitimités ? Au-delà des publics cette partie entend questionner les stratégies éditoriales des chaines et des acteurs du numérique pour conquérir des consommateurs toujours plus sollicités et de nouveaux marchés. Dans cette optique – et sans pour autant s’y limiter – il sera intéressant de proposer des éclairages sur le rôle joué par les offres SVoD (Netflix, Disney+, Amazon Prime Video, OCS, Arte.tv, etc.), notamment en tant que bénéficiaires de la légitimité de contenus qui représentent une part grandissante de leurs catalogues et qu’elles n’hésitent pas à mettre en avant en tant que titres premium, voire en tant qu’instances légitimantes proposant elles-mêmes des formats et thèmes novateurs.

Bibliographie indicative

AKASS Kim et McABE Janet (2007), Quality TV: Contemporary American Television and Beyond, Londres, I.B. Tauris.
ANDERSON Christopher (2008), « Producing an Aristocracy of Culture in American Television », in EDGERTON Gary R. et JONE Jeffrey P. (dir.), The Essential HBO Reader, Lexington, University Press of Kentucky, p. 23-41.
BESSON Anne, FRANCOIS Anne Isabelle, LECOSSAIS Sarah, LETOURNEUX Matthieu et WEBER Anne-Gaëlle (dir.) (2019), Dossier « Mutations des légitimités dans les productions culturelles contemporaines », Belphégor, 17, 1. DOI : https://doi.org/10.4000/belphegor.1923
BOURDIEU Pierre (1979), La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Éditions de Minuit.
CAMPION Benjamin (2010), Le concept HBO. Élever la série télévisée au rang d’art, Tours, Presses Universitaires François-Rabelais.
ESQUENAZI Jean-Pierre (2010), Les séries télévisées. L’avenir du cinéma ?, Paris, Armand Colin.
GLEVAREC Hervé (2013), « Le régime de valeur culturel de la sériephilie : plaisir situé et autonomie d’une culture contemporaine », Sociologie et sociétés, 45 (1), 337–360. DOI : https://doi.org/10.7202/1016406ar
GRIGNON Claude et PASSERON Jean-Claude (1989), Le Savant et le populaire. Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Paris, Le Seuil.
SEPULCHRE Sarah (2011), Décoder les séries télévisées, Paris, De Boeck.

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INFOS PRATIQUES

Lieu(x)

Hors campus

Contact

Frédérique Lozanorios

frederique.lozanorios@univ-lyon3.fr

Type

Communiqué, Appel à communication, Appel à projet, Appel à propositions

Thématique

Communication, Informatique, Numérique, Recherche

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